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Règlement sur le paiement des avortements : un problème

 

Par Erin Anderson

 

(Note de l’éditeur : cet article a été écrit en août 2014, et depuis le 1er janvier 2015, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a abrogé le règlement 84-20 améliorant ainsi l’accès à l’avortement. Cependant, il reste le règlement de l’annexe 2.01, Chapitre M-7 de la Loi sur le paiement des services médicaux qui limite le remboursement des avortements à ceux pratiqués dans les hôpitaux, même si ceci contrevient avec la Loi canadienne sur la santé. Pour plus d’informations, voir au bas de la page.)

 

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick (NB) n’a jamais financé les avortements de la clinique Morgentaler de Frédericton [aujourd’hui fermée] sous prétexte qu’il ne respectait pas le Règlement 84-20 de la Loi sur le paiement des services médicaux. Ce règlement stipule que l’avortement est réputé être un service assuré seulement s’il est :

 

« [...] effectué par un spécialiste en obstétrique et en gynécologie à un établissement hospitalier approuvé par la juridiction où est situé l’établissement hospitalier, et que deux médecins ont certifié par écrit que l’avortement était médicalement nécessaire. »

 

Règlement 84-20 : quatre violations de la Loi canadienne sur la santé

 

Le Règlement 84-20 transgresse les cinq principes sur lesquels repose la Loi canadienne sur la santé.

 

  • En vertu de la Loi canadienne sur la santé, Santé Canada considère les cliniques qui offrent des soins médicalement nécessaires comme des hôpitaux. En 1995, la ministre fédérale de la Santé et du Bien-être social, Diane Marleau, exige que les provinces et les territoires financent ces cliniques, y compris les cliniques d’avortement. Le NB refuse. Ce faisant, la province contrevient aux principes d’intégralité et d’accessibilité, d’autant plus qu’elle classe arbitrairement, et sans fondement légal, les cliniques d’avortement dans la catégorie des établissements « non approuvés ».

 

  • Selon le principe d’universalité énoncé par la Loi, tous les assurés d’une province ont droit aux services de santé selon des modalités uniformes. Or, la couverture des résidents du NB n’est pas équitable puisque le service d’avortement de la clinique Morgentaler était aux frais des femmes. Par ailleurs, les restrictions arbitraires touchant les avortements pratiqués dans les hôpitaux limitent l’accès aux soins. De plus, elles discriminent les femmes enceintes en les considérant comme un groupe à part et en limitant davantage leur accès aux soins par des exigences superflues sans précédent dans le milieu de la santé.

 

  • Le Règlement 84-20 contrevient au principe de gestion publique en forçant la clinique Morgentaler à administrer, à titre privé, les coûts d’un service de santé essentiel qui auraient dû être pris en charge par un organisme public sans but lucratif.

 

  • En vertu de l’Entente sur la facturation réciproque, les résidents qui changent de province sont automatiquement couverts par le régime d’assurance maladie de la province d’origine pendant les trois premiers mois. Cette règle s’applique aux services médicalement nécessaires. Or, puisque le Règlement du NB exclut l’avortement de sa liste de services médicalement nécessaires, les Néo-Brunswickoises qui changent de province n’ont pas accès au financement qui leur est dû. C’est une violation du principe de transférabilité.

 

Lectures complémentaires [en anglais] :

 

  • Janvier 1995 lettre de la ministre fédérale de l’époque, Diane Marleau, ordonnant aux provinces et aux territoires de financer les services médicalement nécessaires fournis par les cliniques privées.

  • Octobre 1995 lettre de la ministre Marleau avisant les provinces qui ne se seront pas conformées qu’elles seront sanctionnées.

  • Octobre 1995 lettre du Dr Henry Morgentaler adressée à Frank McKenna, alors premier ministre du N.-B, l’exhortant d’abroger le règlement sur le paiement des services médicaux, sans quoi, il engagerait des poursuites.

 

Règlement 84-20 : violation de la Charte canadienne des droits et libertés

 

Le jugement de la Cour suprême du Canada R. c. Morgentaler, [1988] rend constitutionnel le droit à l’avortement pour toutes les Canadiennes en vertu des articles 2, 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Par son attitude à l’égard des services d’avortement, le NB viole de manière évidente les droits des femmes dictés par la Charte :

 

  • En limitant arbitrairement son financement aux avortements effectués par des obstétriciens et des gynécologues en milieu hospitalier, la province entrave l’accès au financement des services d’avortement. Or, l’avortement est un acte médical courant, simple et sûr, souvent posé par des médecins généralistes ailleurs au pays. Si l’on considère le faible nombre d’obstétriciens et de gynécologues par rapport aux médecins généralistes, le règlement restreint inéquitablement et illégalement l’accès à un service important pour les femmes.

 

  • Aucune considération médicale ne justifie le fait qu’une femme souhaitant avorter doit obtenir une approbation écrite de deux médecins. Cette politique arbitraire, qui n’existe nulle part ailleurs au Canada et ne s’applique à aucun autre acte médical, a été établie pour gêner inutilement les femmes qui souhaitent avorter. Cette politique transfère par ailleurs le pouvoir décisionnel des femmes aux médecins. Les juges de la Cour suprême étaient d’avis que la décision d’avorter appartient aux femmes selon la liberté de conscience énoncée par la Charte. Ils ont rejeté l’ancienne loi canadienne sur l’avortement, jugée injuste et inégalitaire pour les femmes qui souhaitent avorter. Ainsi, cette politique contrevient à la Charte et au jugement Morgentaler de 1988.

 

Le Règlement 84-20 a été ajouté à la Loi sur le paiement des services médicaux en 1989 pour faire obstacle au projet du Dr Henry Morgentaler d’ouvrir une clinique ainsi qu’au jugement rendu dans sa cause. Ce règlement a été contesté de nombreuses fois.

 

 

Pour en savoir plus :

The Struggle for Abortion Rights: Access by Province (mars 2013) (en anglais)

Can Abortion be De-funded in Canada? (Pro-Choice Press, printemps 2002) (en anglais)

 

L’annexe 2.01 – un autre règlement à abroger

 

Le N.-B met en application un deuxième règlement contraignant, lequel interdit le financement public des services fournis par une clinique privée, ce qui est interdit par Santé Canada.

 

L’annexe 2.01, Chapitre M-7, dans la Loi sur le paiement des services médicaux stipule que :

 

« Nonobstant toute autre disposition de la présente loi, le régime des services médicaux ne prend pas en charge […] b) la fourniture des services assurés dans un établissement hospitalier privé dans la province ».  

 

Ce règlement a empêché la clinique Morgentaler — maintenant fermée — d’être financée et fait maintenant obstacle à l’ouverture d’une clinique dans le futur. Pourtant, le N.-B a besoin d’une clinique consacrée à la santé reproductive et aux avortements, et ce, aux frais de l’État. Les cliniques apportent confort et soutien en plus d’offrir un service d’aide aux femmes qui se font avorter. Pour tout dire, les cliniques privées sont essentielles dans la pratique d’avortements.

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